Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Secret de Dame les Actualités sexy

Tenues sexy pour femmes et hommes féminins

ETES VOUS UN SEXADDICT ?

ETES VOUS UN SEXADDICT ?

Il y a des maladies propres à certaines sociétés, dont les symptômes se mesurent en termes de souffrance réelle, mais qui semblent relever de la psychose. «Possession par le renard», au Japon. «Syndrome du koro» (miniaturisation du pénis), en Afrique. Et en Occident ? «Addiction au sexe».

 

 

Au 19e siècle, les premiers psychiatres s’intéressent aux cas des «masturbateurs frénétiques» et des personnes qui accumulent des expériences sexuelles à la chaîne sans pouvoir s’arrêter. Au 21e siècle, les concepts d’ «hypersexualité» ou de «sexualité addictive» n’ont toujours pas disparu des manuels, au contraire. Ils connaissent un regain nouveau, sous l’influence d’associations comme les sexaholiques anonymes (dérivé des toxicomanes anonymes) qui se font forts de «sevrer» les «dépendants sexuels»… Il y en aurait 17 millions aux Etats-Unis. Et probablement autant, sinon plus, en Europe, affirment les psys qui s’en frottent les mains : une véritable manne. Le nombre des sex-addicts risque fort d’augmenter au train où vont les choses, d’ailleurs. Car à force de répandre l’idée que le sexe peut rendre accro, ils créent toutes les conditions d’une psychose. Signe des temps : un nombre croissant de questionnaires intitulés : «Êtes-vous sex-addict ?» ou «Quel sex-addict êtes-vous ?»proposent aux internautes de s’auto-diagnostiquer. Bizarrement, ces questionnaires sont tournés de telle sorte que n’importe qui peut se sentir concerné : «Il peut vous arriver de surfer sur des sites pornos, pour sacrifier à l’autel du plaisir. Une abstinence, même de courte durée vous paraît difficile. Quand vous n’avez pas votre «dose» de sexe, vous pouvez presque vous sentir déprimé(e)» (source : doctissimo). Mais qui peut supporter le manque de sexe ? Et pourquoi faudrait-il mettre le travail au sommet de ses priorités plutôt que le sexe? Gagner plus d’argent est-il plus légitime qu’être plus épanoui(e) sur le plan sexuel? Les notions d’addiction au sexe sont floues, tendancieuses, idéologiquement orientées et surtout elles reposent sur des postulats discutables.

Le premier postulat, c’est que les sex-addicts sont des personnes qui ne savent pas se poser des limites, et qui veulent «tout, tout de suite.» Et si c’était l’inverse ? A l’examen des cas exposés dans le livre Les Sex-addicts(Vincent Estellon, éditions PUF), dont je me permets de recopier un exemple ci-dessous, il est frappant de constater que la plupart d’entre eux refusent leurs fantasmes et les trouvent à ce point «avilissants» qu’ils se condamnent à les vivre en mode automatique… Entreprise d’auto-dégradation ? S’ils sont malades en tout cas, ce n’est probablement de «vouloir trop de sexe», mais plutôt le contraire.

Le second postulat, c’est que les sex-addicts sont les malades du capitalisme, les victimes privilégiées d’une «culture de marchandisation des corps» qui encourage les êtres à faire des expériences sexuelles avec des partenaires interchangeables… De façon très révélatrice, ceux qui pointent du doigt le coupable (la liberté sexuelle) semblent avoir la nostalgie du «bon vieux temps», oubliant un peu vite peut-être que lorsque la nudité était censurée, les masturbatrices enfermées à Sainte Anne et les sodomites menacés de prison, il existait déjà des formes de sexualité compulsive. Les petits lendemains blèmes d’orgies ne datent pas d’hier, comme le souligne Vincent Estellon dans son livre Les Sex-addicts, où il cite le Chant IV du De Natura rerum (premier siècle avant J.-C.) : «Boire, manger, ces désirs-là se comblent, et le corps absorbe plus que l’image d’eau ou l’image de pain. Mais de beauté d’un visage, de l’éclat du teint, le corps ne peut rien absorber. Rien. Il mange des simulacres […]. De même un homme que la soif dévore au milieu de son rêve. […] Il meurt de soif au milieu du torrent où il boit.» A peine quelques pages après avoir cité cet extrait de Lucrèce et souligné que l’humain, par nature, «aime et désire sans fin», Vincent Estellon s’en prend à… la pornographie et l’internet. Ce qui est assez contradictoire.

«En quelques décennies, l’accès à la pornographie s’est considérablement développé, mais surtout banalisé. Des études de consommation montrent que sur le premier moteur de recherche mondial, Google, les termes sex, love, porn arrivent en tête es requêtes par genre et par nature. La sexualité est devenue récréative et même impérative. Tout se passe comme si le slogan du nouveau Surmoi sociétal était devenu «Il FAUT jouir sans entraves !». […] La crudité des images qui envahit les écrans, en dérobant à l’imagination la représentation de la nudité abrase les potentiels à l’érotisme. Et le web permet de faire son marché de façon très pragmatique : promotion sur les verges, sur une paire de gros seins ou de fesses noires… […] Certaines applications pour smartphones utilisant la géolocalisation pour situer les partenaires sexuels potentiels autour de soi, susceptibles d’être choisis pour copuler dans l’heure.» Pour Vincent Estellon, de toute évidence, la facilité avec laquelle nous pouvons désormais faire des expériences sexuelles est quelque chose de pernicieux… qu’il faudrait combattre ? 

La permissivité sexuelle existait déjà bien avant l’apparition du capitalisme (il se peut même que le capitalisme ait favorisé la répression sexuelle, d’ailleurs…). Pourtant, Vincent Estellon suggère que c’est cette atmosphère actuelle de liberté généralisée qui favorise l’addiction au sexe. Et si c’était l’inverse ? Sous le vernis des apparences, notre société n’est en effet pas si libérée que cela. Il y a des cultures qui autorisent l’excès et qui fournissent à ses membres la possibilité d’entrer en transe et de se laisser déposséder. Il y a des sociétés qui ne posent pas en règle l’obligation d’être un sujet (c’est-à-dire maître de soi, libre et responsable) : elles favorisent l’idée qu’un humain qui fait l’expérience d’être un «objet» se voit donner la chance de vivre, physiquement, une forme de transcendance. Le voilà transformé en réceptacle, plus ou moins temporaire, de forces invisibles… outil sexuel aux mains d’une puissance qui se joue de lui. Il n’est pas un «malade» mais un être pris entre l’infini du désir et l’infini de la mort, happé par le vertige. De quoi souffrent les sex-addicts, au fond, si ce n’est de l’indigence spirituelle de notre société, incapable de parler de sexe autrement qu’en chiffres, comme s’il était possible de réduire cette force sans limites à de sages listes de supermarché ? Ce sont des anémiés qui se prétendent victimes de la surabondance. Faut-il s’en étonner ?, seules les sociétés puritaines accouchent de «sex-addicts».

Le troisième postulat c’est que le sex-addict, ainsi que l’affirme Vincent Estellon, ne veut que des «rencontres déshumanisées» et fait l’économie des fantasmes, qu’il remplace par l’activité de «décharge». Mais que fait-il de ces fantasmes basés sur le principe même de la «décharge» ? Nombreux sont les fantasmeurs qui rêvent d’une rencontre anonyme, dans un «non-lieu» (un espace de transit), avec des hommes-femmes sans visage, si possible vêtu(e)s de tenues noires et masqué(e)s pour incarner au mieux l’idée d’une rencontre fatale… Il est important que ces hommes-femmes ne parlent pas mais agissent, suivant la logique imperturbable du destin et que ces acteurs, parfaitement interchangeables, ne fassent jamais qu’exécuter leur rôle, en silence. Une machine ne parle pas. Ce genre de fantasme, typique de l’univers SM ou échangiste, c’est celui de la mise à mort simulée, du duel, de l’abattage au cours duquel une personne définie comme proie offre son corps en offrande à un bourreau choisi par elle… Encore faut-il que le bourreau soit capable de jouer correctement le rôle. Encore faut-il, également, que la proie ait suffisamment de recul et de distance pour goûter au plaisir de la mise en scène. Beaucoup de masochistes et de «salopes» auto-proclamés n’assument pas leurs fantasmes et se haïssent d’aimer ce qu’ils-elles considèrent comme un avilissement. Résultat : les voilà qui culpabilisent et se posent des questions. Suis-je malade ?

A titre d’exemple, voici maintenant un témoignage de soi-disant sex-addict… A mes yeux, un masochiste lambda persuadé que ses expériences sexuelles sont un enfer d’une perversité inouie alors qu’elles relèvent d’une certaine banalité… Voici son portrait, avec les commentaires (que je trouve personnellement incongrus) de Vincent Estellon. Au lecteur de se faire une idée.

«Fabrice, 38 ans, déclare à propos de ses partenaires : «On se voit, on baise, on se quitte.» Pas de parole ! Comme si l’impact du verbe sur ces rituels sexuels avaient le pouvoir de rompre l’état hypnoïde dans lequel il se trouve durant les crises compulsives. Les partenaires, déshumanisés, sont utilisés ou plus exactement «consommés» dans l’inquiétante spirale dutoujours plus. Tandis que certains organes ou morceaux du corps sont plus ou moins fétichisés, la parole se trouve non seulement disqualifiée, mais souvent éliminée. Fabrice trouve ses partenaires sexuels trop bavards : «Il faut toujours qu’il y en ait un qui parle, qui me demande comment je m’appelle, où je vis, ou même mon numéro de téléphone…». Pour éviter ces bavardages inutiles, il fréquente des endroits plus hards, plus «cuir» où les hommes ne se parlent pas. «Des durs de chez dur. Des mauvais garçons que vous n’aimeriez pas croiser tard dans la nuit.» Sa dépendance sexuelle a peu à peu dérivé vers des pratiques plus violentes : il s’initie à la pratique du fist-fucking et du bondage. Durant le temps de quête de partenaires, il ne connaît plus de sentiment dépressif : dans ces moments préparatoires, il se lave, s’habille et sort avec empressement. Les endroits dangereux (aires d’autoroute, parkings souterrains, zones industrielles désaffectées) lui procurent un affect particulier mêlant peur et excitation. En revanche lorsqu’il rentre chez lui, il dit se sentir «sale», «épuisé» et «déprimé». il s’assomme alors à l’aide de toutes les drogues possibles pour s’anesthésier et tenter de dormir. Il n’y a plus de temps pour l’absence ni pour après-coup. […] La culpabilité n’accède pas à sa conscience autrement que par identification morbide et mélancolique au déchet. Fabrice se décrit d’ailleurs comme «bon à rien», incapable de travailler, véritable «détritus». (Source : Les Sex-addicts de Vincent Estellon, éditions Puf, page 75).
 

Je me suis permis de souligner les passages incongrus : pourquoi utiliser ce terme un peu pédant d''«état hypnoïde», si ce n’est pour ravaler la personne qui vit intensément son fantasme au rang d’être privé de son libre-arbitre ? Pourquoi également dénigrer les relations SM, qui sont caractérisées par une certaine «inhumanité» (on n’est pas là pour se faire des bisous et parler du beau temps), en soulignant que cela relève d’un refus de la relation à l’autre ? Par ailleurs, en quoi «consommer» ses partenaires est-il nuisible ? Ne sommes-nous pas tous et toutes des objets de désir-consommation les un(e)s pour les autres, et à ce titre des personnes jouissant du bonheur de baiser et d’être baisé(e)s ? Par ailleurs, pourquoi stigmatiser le fétichisme ? Au nom de quoi le fait de fantasmer sur des parties de corps ou des détails vestimentaires est-il nuisible ou négatif ? Quand à cette «spirale du toujours plus», elle m’intrigue : suis-je condamnable si je veux toujours plus apprendre, toujours plus lire des livres, toujours plus réciter par coeur des poèmes, toujours plus m’améliorer dans la pratique d’un art ? L’image du dangereux tourbillon (l’hypnose ?) est bêtement moralisatrice.

Illustration : Paloma Blanco, image extraite de son excellentissime album d’images pornos détournées Porno Tapados.

Agnes Giard

 

A LIRLE

JE NE SAIS PAS SEDUIRE

LA FESSEE EROTIQUE, C'EST COMMENT ?

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article